Programme Messiflore
Evaluer, maintenir et restaurer la diversité floristique des bords de champs, des vignes et des vergers
Un tour d’horizon sur les messicoles
Les messicoles, ou plantes des moissons, se développent dans nos cultures (champs de céréales, de colza, de pois, de féveroles…) depuis des milliers d’années. Elles peuvent être spontanées en France, ou bien d’origine géographique plus ou moins lointaine. Dans ce cas, elles ont accompagné la progression des cultures de façon opportuniste et des plantes anciennement cultivées, telles que la Mâche, la Caméline, la Vachère (fourragère) ou le Chardon béni (médicinale), qui ont pu se maintenir après l’abandon de leur culture.
Les messicoles archéophytes, d’introduction ancienne, sont arrivées en France au néolithique [1] via le développement de l’agriculture. Certaines se sont propagées par différentes voies de migration et d’échanges dans les lots de semences céréalières : c’est le cas des Gagées, venant d’Asie centrale, des Adonis, venant de Méditerranée orientale. D’autres ont migré naturellement et ont progressé vers le nord à la faveur de l’expansion des champs cultivés. Les néophytes sont arrivées plus tardivement.
Les messicoles sont dans leurs régions d’origine des plantes pionnières, peu concurrentielles, et de milieux instables tels que des pelouses sèches sableuses ou caillouteuses au sein d’une végétation clairsemée. Le travail du sol pratiqué dans la culture leur a donné de nouveaux habitats de substitution, leur permettant d’élargir progressivement leur aire de répartition et de s’installer durablement dans nos champs. Le travail du sol favorise la séparation et la dispersion des organes souterrains. Elles s’y sont adaptées : elles ont un cycle biologique rapide, lié aux cycles des récoltes des céréales. Elles font partie des « adventices » (plantes qui poussent dans une culture sans y avoir été semées), mais ont la particularité de parvenir difficilement à se maintenir dans d’autres conditions. Elles constituent un patrimoine naturel unique, témoin du développement de l’agriculture, et sont aujourd’hui menacées.
En effet, elles étaient autrefois largement répandues mais subissent une forte régression depuis quelques dizaines d’années. On dénombre aujourd’hui une centaine d’espèces, et des disparitions : « 7 espèces ont disparu de France et 25 autres ont disparu de plus de la moitié des départements où elles étaient connues avant 1970. C’est le cas par exemple de l’Aspérule des champs (Asperula arvensis), du Caucalis à larges feuilles (Turgenia latifolia), du Cumin pendant (Hypecoum pendulum) et de la Vachère (Vaccaria hispanica). Les taxons en régression sont principalement localisés dans le sud des Alpes, le Massif central, les Grands Causses. » (Source : Plan national d’action « Agir pour les mesicoles » 2012-2017)
Les principales causes de leur disparition s’expliqueraient par une combinaison de facteurs [2] liés à l’intensification des pratiques agricoles au cours du XXe siècle. Ainsi, les messicoles se réfugient le plus souvent en bordure de champs, où les pressions (mécaniques et chimiques) sont moins fortes.
Selon une vision anthropocentrée, on peut leur reconnaître différents « services écosystémiques ». Elles fournissent abri et nourriture à un large cortège faunistique (arthropodes, oiseaux), et contribuent à instaurer un niveau de biodiversité élevé dans les parcelles qui les accueillent. Par exemple, en hébergeant des larves prédatrices de ravageurs, elles ont un rôle dans la protection des cultures. De plus, on sait que 80 % des cultures à travers le monde sont dépendantes de l’activité des insectes pour la pollinisation (au premier rang desquels figurent les abeilles) (voir source). Or, la majorité des plantes messicoles ont de grandes fleurs colorées, attirant de nombreux insectes, améliorant ainsi la pollinisation des cultures. Une étude a d’ailleurs recensé plus de 173 espèces d’arthropodes (insectes, araignées…) totalement dépendantes de 38 espèces de plantes messicoles.
De nombreuses actions pilotées par le Conservatoire botanique
Depuis 2005, plusieurs programmes sont coordonnés par le Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées (CBNPMP). Leur mise en œuvre a toujours été réalisée de manière partenariale.
Ils ont pour but d’aider à la conservation des plantes messicoles et plantes remarquables des cultures, vignes et vergers en Midi-Pyrénées. Ils impliquent de nombreuses structures régionales agissant dans les domaines de la connaissance naturaliste, la protection de l’environnement, l’agroécologie et l’agroenvironnement, l’agriculture, la formation et l’éducation à l’environnement. De nombreux autres partenariats ont été noués avec d’autres structures et collectivités pour identifier cette biodiversité et mettre en place des mesures concrètes de sensibilisation et de conservation avec la participation d’agriculteurs.
Cela a permis d’identifier les principaux enjeux en terme de conservation des plantes messicoles au niveau national : il s’agit de la région méditerranéenne, des zones de moyenne montagne, marquées par la déprise agricole, des territoires montagnards, où l’élevage est prédominant et associé à une culture céréalière extensive pour l’alimentation des troupeaux.
Sur le territoire de Midi-Pyrénées, les connaissances acquises ont permis de définir des secteurs encore riches, où les enjeux de préservation sont forts. Des expérimentations de restauration ont également été conduites avec des collectivités et des fédérations de chasseurs.
Mis en place par le Ministère chargé de l’Ecologie, un plan national d’actions (pdf, 7.6 Mo) sur les messicoles a été animé de 2012 à 2017 (et annexes (pdf, 3.2 Mo)). Le prochain est en cours de montage et devrait donc débuter en 2023.
Un projet d’ampleur régionale sur les bords des champs, vignes et vergers
Depuis 2011, le CBNPMP coordonne donc des programmes sur la flore messicole, portant sur le territoire de l’ancienne Région Midi-Pyrénées, financés par l’Union européenne et le Conseil Régional, et soutenus par la DREAL.
Ces programmes (2011-2014 ; 2014-2016 ; 2017-2018 ; 2019-2022) sont toujours basés sur des partenariats, enclenchés depuis plus de 10 ans. Depuis 2015-2016, les actions sont en partie orientées vers l’élaboration d’indicateurs pour l’évaluation de l’état de la sous-trame des milieux ouverts dans leur composante « semi-naturelle », une appropriation partagée des enjeux, la valorisation de la diversité floristique et des travaux menés en sa faveur, la mutualisation et le transfert des expériences.
Il s’agit de construire un indicateur régional de biodiversité relatif aux plantes messicoles permettant d’évaluer l’état de conservation de la sous-trame et de son évolution, en relation avec l’indicateur « Haute Valeur Naturelle » (HVN), conçu par Solagro. Pour cela, les inventaires de terrain ont permis de définir un indicateur communal, renseigné pour l’ensemble de Midi-Pyrénées, de façon à confronter et analyser les complémentarités de ce paramètre avec l’indicateur HVN. L’indicateur est une note attribuée à la commune pour exprimer la diversité des plantes messicoles et les enjeux de conservation en fonction du statut des espèces présentes.
Ce travail spécifique a été mené à un moment donné avec la Fédération régionale des chasseurs (FRC) pour évaluer les enjeux de la conservation des chaumes pour la biodiversité. L’incidence des pratiques dans les zones vulnérables définies par la Directive cadre sur l’eau sur 2 espèces à floraison tardive est analysée. Des diagnostics communs approfondis de biodiversité faune-flore des bords de champs sur les territoires de projet « Corribior » (sites pilotes de la Fédération régionale des chasseurs) sont le support de l’animation conduite par les fédérations de chasseurs auprès des acteurs locaux. L’objectif est de favoriser la préservation de la sous-trame par des pratiques et des modes de gestion des terres appropriées.
Il s’agit également de promouvoir les pratiques favorables au maintien de la sous-trame auprès des agriculteurs, paysans et des collectivités soucieuses de s’impliquer dans une gestion respectueuse de la diversité floristique pour les zones périurbaines, voire les parcelles cultivées en régie agricole. Cela passe par l’organisation de journées techniques de formation, l’appui technique au cas par cas, le soutien à l’organisation d’une filière de production de graines d’origine locale garantie. Les données récoltées et les actions sont valorisées via la rédaction d’articles pour la presse généraliste ou technique, la communication lors d’évènements, de formations ou de colloques. L’exposition du CBN « Moissons fleuries en Midi-Pyrénées » est utilisée sur les stands lors de journées d’animation. Un outil de communication a été élaboré et mis à disposition pour valoriser les actions auprès des citoyens. Un appel à initiatives d’implantation à destination des collectivités a été organisé. La démarche de préservation sur la plate-forme Osaé (« Osez l’agroécologie ») est valorisée.
La restauration de la sous-trame est encouragée en s’appuyant sur le signe de qualité national « Vraies messicoles ». L’effort porte à la fois sur l’offre et la demande : soutien aux filières émergeantes de production de graines d’origine locale, incitation à l’utilisation de ce matériel végétal pour des actions de restauration. Les bénéfices éco-systémiques des actions de restauration sont évalués.
La contribution de Nature En Occitanie
Notre association s’est engagée depuis plus de 10 ans sur ces programmes, notamment sur les volets d’amélioration des connaissances (prospections de terrain), mais aussi sur la participation voire la co-animation de journées techniques, le rôle de relais en fonction de nos actions sur le terrain, etc.
A partir de 2023, nous allons continuer sur la même voie, à savoir la participation au réflexions techniques, les prospections et veilles sur le terrain, etc. Toutes nos actions sont réalisées en collaboration étroite avec le CBNPMP, dans le cadre global du futur PNA messicoles.
[1] néolithique : Au Proche-Orient, le Néolithique débute vers 9 000 ans av. J.-C. dans le Croissant fertile
[2] facteurs : tri sélectif des graines, essor de nouvelles cultures tardives peu favorables à leur développement (maïs, tournesol…), usage d’herbicides, apport d’engrais qui favorise les adventices nitrophiles au détriment des plantes messicoles pour la plupart peu compétitives, raréfaction des jachères en zone de grandes cultures qui ne favorise pas l’expression de cette flore spontanée, semis de jachères fleuries dont certaines espèces horticoles sont très proches d’espèces sauvages (possibilité d’hybridation).
Ressources
- Site internet Messiflore
Comment puis-je aider ?
Les bénévoles peuvent participer aux inventaires de terrain, il est toujours intéressant d’accumuler des données, notamment dans certains secteurs vierges de connaissances. Des sorties collectives avec le groupe botanique ont été organisées par le passé et pourront être réitérées.
Pour plus d’informations, contacter Mathieu Menand, Chef de projet flore-habitats ou Thomas Delhotal, Chargé d’études flore-habitats.